La Parole d’Experts avec l’Atelier des Frères
Le jeudi 30 novembre 2023
Temps de lecture : 5 minutes

Propos recueillis par Thomas Montgrandi

Bonjour Perrine ! Tout d’abord, est-ce que vous pourriez nous présenter l’Atelier des Frères et ses spécificités ?

À l’Atelier des Frères, nous aimons nous définir comme une « maison de confection ». Notre atelier a été créé au sein de la filature Arpin il y a une dizaine d’années. Ce qui nous distingue, c’est que nous regroupons plusieurs métiers. Un atelier classique n’a généralement qu’une seule compétence : il ne fait que du rideau ou il ne fait que des sièges, par exemple… Nous rassemblons trois savoir-faire bien distincts : la couture d’ameublement comme les rideaux, les banquettes, les coussins ; la tapisserie, qui comprend les têtes de lit, les canapés et fauteuils sur-mesure… Et enfin ce qu’on appelle tapissier-villier qui va soit faire de la pose directement sur les chantiers ou bien travailler sur des tissus tendus et des travaux de gainage.

 Et puis nous pouvons aussi recouvrir du mobilier existant. Malheureusement, les joies de la mondialisation font que cela coûte souvent plus cher de retapisser un fauteuil que d’en commander un neuf, mais fabriqué en Chine.

Cela fait partie des choix d’un propriétaire d’avoir une histoire à raconter, une personnalité ?

Oui, surtout que le mobilier présent dans des stations de ski depuis 30 voire 50 ans est généralement très résistant ! Les chaises, les tables ou les fauteuils des appartements résistent souvent très bien à l’épreuve du temps. Le style est forcément un peu dépassé mais cela a plus de sens de redonner vie à ce genre de mobilier de qualité plutôt qu’à une chaise produite en série pour une grande chaine de meuble !

Et clairement, la chaise de cette grande chaîne de magasin ne durera pas aussi longtemps !

C’est ça (rires) ! Je pense qu’au moment de la création des stations, tout le monde en avait bien conscience car on retrouve vraiment du bon mobilier dans les appartements, c’est impressionnant.

Une autre spécificité de l’Atelier des Frères, c’est aussi votre connaissance de l’habitat alpin ?

Oui, c’est sûr ! Je pense qu’en France il n’y a qu’une dizaine d’ateliers qui regroupent plusieurs métiers, et les trois quarts sont à Paris. Nous sommes les seuls dans les Alpes à développer ces savoir-faire, et la majorité de notre activité se fait dans l’arc alpin. Esthétiquement, nous sommes naturellement à l’aise avec tous les tissus qui se marient avec le bois, la pierre, ou l’ardoise. Techniquement, il faut aussi avoir une affinité particulière à cet habitat. Par exemple, les architectes de la région mettent souvent des fenêtres trapèzes … qu’il faut savoir habiller correctement (rires) ! Il y a aussi des contraintes de résistance liées à la location, l’hydrométrie, les températures, l’altitude… Quand un chalet est chauffé, selon ses matériaux , un rideau peut remonter de cinq centimètres !

Les matières naturelles sont sensibles. Le bois par exemple, c’est vivant donc il peut bouger en fonction des températures.

Quelle est pour vous l’atmosphère d’un appartement idéal de montagne ? Par exemple pour un 2 pièces standard, que l’on trouve dans beaucoup de stations ?

Dans ce genre de petits appartements, on préfère rester dans un style assez épuré. Trop de motifs ou de couleurs peut vite devenir étouffant. Surtout, il faut s’adapter pour trouver des solutions confortables sans encombrer : des banquettes agrémentées de tissus, des coffres qui pourront faire assise ET rangements… On va essayer d’optimiser pour avoir quelque chose d’esthétique et de confortable, mais qui reste facile à manier. En fin de compte, chaque appartement est différent ! On pourrait croire que « on a vu un T2, on les a tous vus, on a juste à dupliquer » mais non ! La cuisine est toujours agencée différemment, un radiateur est dans le chemin… Il faut toujours être ingénieux !
Et pour cela, le mieux est encore de travailler directement ce qu’on a déjà. Par exemple pour une petite chambre, inutile de rajouter des rideaux qui ne vont servir qu’à encombrer. Mieux vaut faire une belle tête de lit, ou tapisser du mobilier existant…

Justement comment rénove-t-on des meubles anciens, parfois assez imposants mais qu’on ne veut pas jeter ? Comment faire « du neuf  avec du vieux » ?

Comme je disais, c’est du mobilier costaud, de bonne qualité mais souvent avec un liseré rouge ou un petit cœur… Le but va surtout être d’épurer le meuble. On peut par exemple créer un contreplaqué ou légèrement redimensionner le meuble pour pouvoir l’encastrer.

On peut aussi changer une poignée ou habiller avec du tissu. Par exemple, pour un fauteuil ou un canapé, il suffit de changer le tissu de la housse et c’est reparti !

Parfois il suffit donc d’uniformiser, plutôt que de transformer ?

Oui, une housse unie peut complètement changer le ton d’un canapé, sans même toucher au canapé en-dessous. On fait aussi souvent des fonds de niches murales, qui servent de petites bibliothèques ou d’étagères que l’on va contreplaquer puis habiller de tissu. On le fixe ensuite au fond de la niche. Cela apporte un peu de matière pour faire cosy et ça ne prend qu’une demi-heure en atelier. Même principe pour une table de chevet !

Vous travaillez toute l’année grâce à de beaux projets de rénovation de meublés de montagne, est-ce que vous voyez des tendances déco qui se dégagent ?

Racheter l’appart du voisin et le fusionner avec le sien (rires) ! Cela fait plusieurs années déjà, mais on le voit de plus en plus… Quitte à laisser une porte d’entrée au milieu pour pouvoir alterner entre deux locations, ou louer tout le lot en une seule fois selon les besoins.
Sinon, on voit de plus en plus de « chambres dortoir » qui peuvent loger tous les cousins d’un coup, ou dans laquelle on peut accueillir à la fois adultes et enfants. On nous demande souvent le lit double d’un côté pour les parents, tout en conservant le lit superposé pour les enfants. Mais évidemment, c’est davantage pour les chalets et les grandes pièces.
On constate aussi un vrai retour des matières naturelles, les gens y sont très sensibles ! Et de préférence de couleurs mates et intemporelles qui peuvent facilement se marier avec le bois et la pierre.

Moins dans l’opulence peut-être ?

Il y en a toujours, mais davantage avec l’idée qu’un investissement immobilier est un patrimoine que l’on veut pouvoir transmettre. Alors oui, on se fait plaisir mais parce qu’on sait que les enfants et petits-enfants vont venir et le récupérer « quand je ne serai plus là »… Même si on garde à l’idée qu’il faut pouvoir le louer pour optimiser les coûts, cette notion de transmission de patrimoine reste importante.

Voyez-vous une augmentation du nombre d’appartements mis en location?

Quasiment tous nos clients mettent en location. Il y a encore des propriétaires qui n’en ont pas envie, ou pas besoin, mais cela ne représente pas plus de 5% de nos clients je dirais… En tout cas de notre clientèle !

Identifiez-vous d’autres tendances plus générales ?

On voit aussi pas mal de clients qui font construire leur chalet « à la montagne », même dans des massifs ou les prévisions de neige ne sont pas les plus importantes. Par exemple dans le Vercors car ils veulent une habitation plus proche de la nature, ou partout où on trouve des stations ou des villages qui vivent à l’année. On constate que l’investissement n’est pas nécessairement axé sur la neige et le ski mais sur l’idée d’être dans la nature. 

Merci beaucoup Perrine ! Et peut-être à bientôt dans de futurs projets en Maurienne Galibier vec Face/B